Mercuriales ou le génie d’un lieu, 2017

Ce ne sont ni des mots, ni des dessins, pas plus que des slogans aux connotations politiques, sociales, identitaires ou sexuelles. Plutôt une hésitation entre tout cela, une indécision entre le figuratif et l’abstrait comme la lettre, caractère typographique, pourrait l’être, entre l’objet et le signe. Ce sont des signatures, pseudonymes pour ceux qui les apposent, anonymes pour ceux qui les lisent, qui maquillent ponctuellement les murs des villes, s’inspirent de leur esthétique autant qu’ils la construisent. Qui vomissent sur le mobilier urbain, s’y superposent, se brouillent, s’embrouillent, mais rarement s’effacent. Ce sont des entités visuelles qui viennent s’agréger aux autres images et signes que la ville émet. Comme eux, ces artefacts ont quelque chose à raconter et semblent contribuer à transformer la perception de l’espace urbain. Sont-ils des graffitis ? Sont-ils du graffiti ? Sont-ils des tags, des graffs, du street-art, de l’art urbain ? Ce sont des signes. Ils sont la transmission d’un discours sur un support vivant qu’est la ville. Leur signification existe toujours au-delà de l’intention de celui qui le produit. Ils sont en eux-mêmes traces de quelque chose. Ce sont des traces.

Du simple fait de leur inscription sur un support urbain, lui-même inscrit dans le contexte plus large de l’espace public ou du moins dans un environnement, ces traces sont par essence un objet géographique, en même temps qu’elles sont un acte géo-graphique de manière littérale. Elles font partie du monde des « choses », se plaçant à l’interconnexion de relations entre lieux, gens et autres mécanismes qui composent un espace. Elles sont à elle seules la matérialisation d’un espace-temps. On peut dès lors se demander à quelles logiques répondent-elles quant à leur place dans la ville ? Pourquoi ici ? Pourquoi sous cette forme ? Et si l’on se replace dans une approche sémiologique, dans quel(s) système(s) urbain(s) de signes, ces traces s’insèrent-elles ?

Mercuriales est avant tout un projet artistique initié par les artistes SAEIO et Juliette Vilain. Il est né de la rencontre entre SAEIO et un lieu que l’on pourrait qualifier de «zone-blanche» (P.Vasset), sous l’échangeur autoroutier de la porte de Bagnolet.

Ensemble, ils ont commencé par construire quelques peintures, puis très vite, voyant que leurs styles picturaux respectifs correspondaient, à la fois entre eux, mais aussi avec l’énergie du lieu, SAEIO et Juliette Vilain se sont engagés à venir, presque tous les soirs pendant près de 3 mois (officiellement du 28 Janvier au 3 mai 2017) pour peindre le lieu, constuisant une relation intime avec lui.

J’ai eu la chance d’avoir participé à la génèse de ce projet monumental dans le cadre de l’écriture d’un mémoire de fin d’étude en géographie culturelle, qui avait pour terrain d’étude ce projet artistique in situ. Dans un rôle à la fois d’observateur actif, de géographe, de théoricien, de photographe et de documentariste.
Mémoire de Master 2 en géographie culturelle
Documentaire en réalité virtuelle 
Sous l’échangeur autoroutier de la porte de Bagnolet,FR

Avec SAEIO et Juliette Vilain




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